Bonjour, je suis Ron, je suis né en 1973 et je suis
infirmier. J'habite à Paris.
Mon premier roman, "La Chambre d'Albert Camus" est sorti le 07.12.2006, dans toutes les bonnes
librairies. Vous savez presque l'essentiel.
Une photo ? Oui, mais une en noir & blanc, alors, car elles sont
plus flatteuses !
Cyrille a un jour réalisé un petit film qui me montre tel que je
suis, pour de vrai. Je crois qu'on ne peut pas mieux me comprendre
que dans ces trois minutes.
Thomas Clément m'a fait le plaisir de me recevoir dans un de ses
fameux TomCast.
On inverse les rôles: c'est moi qui pose les questions pour une fois.
C'est Adrian Pasdar (acteur américain notamment connu pour son rôle de Nathan Petrelli dans la série "Heroes" et de Jim Profit dans "Profit") qui se prête au jeu de l'interview lors de son passage à Paris en août 2007.
Voici enfin un texte que j'avais mis en ligne le 10.08.2006, pour
expliquer pourquoi j'écrivais tous les jours :
"En discutant avec des gens, j’entends depuis quelques semaines la
même réflexion « Bon, c’est bien les Beatles, mais c’est quand
qu’elles reviennent tes histoires de sang ? »
Parfois (souvent depuis deux semaines), je reçois des mails qui
disent « Je constate que depuis l'annonce de la publication de
ton livre, ton blog s'est vidé de ce qui m'avait initialement
dragué. Il est certes mis à jour quotidiennement, mais élagué de la
substance qui m'avait plu: quelque chose qui, même si j'exerce une
toute autre profession qu'infirmier, éclairait certaines situations
professionnelles ou personnelles que j'avais pu vivre moi aussi, un
regard sur les choses que je ne retrouve pas dans des sujets sur les
photos que tu as prises récemment (je m'en fous) ou ce qu'on peut
dire sur l'Italie (je m'en carre.) Où est le travail de ce que
socialement tu vas devenir- un écrivain? A mes yeux, ce travail est
absent de tes posts les plus récents.
Peut-être considères-tu qu'être publié est l'aboutissement de ce que
tu as entrepris en commençant ton blog, que de ce côté là le gros du
boulot est fait et qu'il faut à présent se concentrer sur ce qui est
beaucoup plus valorisant (un livre, tout le monde rêve d'avoir son
nom dessus), et que ton blog n'est plus que le support où se déverse
l'admiration de tes fans... Peut-être aussi surinterprêtè-je tes
intentions? » …
J’ai ouvert mon espace perso en septembre 2004 pour faire comme
Mathieu, que je lisais au boulot. J’étais tombé dessus
complètement par hasard, en cherchant des photos de Grèce et, par la
magie d’un lien, on se retrouve chez un garçon qui écrit, jour après
jour, sa vie, vraie ou pas, en ligne, face à des gens qui commentent
s’ils se sentent en phase ou non.
Fasciné.
J’étais resté scotché, complètement. Un frisson dans la nuque, un
goût de fer dans la bouche, son url jetée en trois secondes sur un
bout de papier pour ne pas oublier ce que je venais de découvrir et,
là, tout de suite, l’instinct que je voulais faire pareil.
Pareil.
« C’est ça que je veux dire ! C’est comme ça que je veux m’exprimer
! Les possibilités sont infinies ! »
Je rentre à la maison, j’en parle comme ça, entre deux bouchées du
goûter, La Marmotte (mon ami) hausse un sourcil et pense déjà à la somme des
emmerdements qui vont lui tomber dessus.
Il me demande de ne pas parler de nous, je dis « mais oui, oh, bien
sûr » et j’ouvre mon blog, sur haut et fort, nouzivoila, ça
s’appelait.
Je fais mon provincial qui monte à Paris, en photographiant la Tour
Eiffel (je n’ai jamais cessé), en visitant des musées pour en parler
après (ça, par contre, j’ai vite arrêté) ou en allant voir des films
Turkmènes que personne ne connaît histoire de faire style j’adore.
Ca aussi, je ne continue pas bien longtemps.
Je m’emmerde à cent sous de l’heure, dans mon infirmerie de Rueil
et, le matin du premier décembre 2004, en mettant quelques
préservatifs sur une table près de l’entrée de la cafétéria, en
scotchant une affiche, je me remets à penser à François. Une image
puis son parfum, les murs de sa chambre.
Je suis ému, je prie en silence quelques instants et puis j’essaie
de passer à autre chose.
Impossible.
François m’obsède.
Je revois ses yeux, sa main, je revois mon bouquet de fleur.
Vers dix heures, après le café, en tournant ma tête sur le parking
gelé, je vois un oiseau mort, entre deux voitures. Un corbeau. Je le
regarde.
J’hésite.
Je reviens à l’ordi, j’ouvre Word et, d’une traite,
je balance tout ce que j’ai à dire sur cette matinée avec François,
sur nos mots, sur notre peu de temps passé ensembles.C’est
l’acte fondateur de mon blog, le texte qui a tout déclenché, dans ma
tête. Chez les gens. A la maison. Pour mes proches. J’ai reçu des
mails, des commentaires, des félicitations. Mais plus que ça, j’ai
compris que j’avais des choses à dire et, surtout, le droit de le
dire. Le droit de parler.
Dans un monde médical où le secret nous étouffe, parfois de façon
complètement déplacée (une famille espère en silence une rémission
que nous savons impossible, un homme ne sait pas qu’il est le père
d’un enfant), dans un monde médical hiérarchisé à l’extrême et qui
me colle à ma place, bien en bas, là où la parole ne sert à rien car
elle n’est authentifiée par aucun diplôme de la faculté de médecine,
dans un monde médical qui me voit côtoyer la souffrance sans que
j’ai le droit, jamais, d’évoquer la mienne, sauf en groupe de parole
public, ridicules séances de langue de bois sous observation des
collègues en pleine rétention lacrymale jouant à celle qui a le plus
sec (le cœur) ou le plus dur (le cœur, encore) ou la plus longue
(l’expérience), dans un monde médical où l’épanchement est synonyme
de faiblesse ou de synovie mais jamais de moment de complicité, dans
un monde médical dans lequel je me suis toujours senti étranger,
j’ai voulu, un peu, trouver ma place et raconter, parfois, ce que
j’avais pu voir, et entendre, et deviner, et souffrir.
J’ai pu ainsi parler librement, à mon rythme.
J’ai compris que ces histoires fascinaient le plus les gens (elles
sont les plus commentées et les plus reprises, ce sont les anecdotes
qui attirent le plus de suspicion ou de colère, de moments
empathiques ou de rires) et qu’elles me permettaient de toucher un
public plus large, à en croire ces putains de statistiques.
Mais ce n’est pas moi, ce n’est pas que moi.
J’écoute de la musique, je vois des films, je regarde des séries, je
surfe, je lis plein de blogs, je bois des cafés dans des bars
enfumés, je prends des photos, je fais des tours de magie, je monte
à scooter et je kiffe grave et aussi j’aime et je suis aimé.
L’autre jour, un peu désabusé, un peu sérieux, un peu prétentieux
mais super sincère dans mes propos, je disais à G. « Punaise, je ne
comprends pas pourquoi les gens m’aiment autant à travers le blog
alors que je suis cent fois plus intéressant en vrai. Je ne suis pas
consensuel, je suis méchant comme une teigne, j’adore faire rire et
dire des bitcheries, je suis super fragile et super fort à la même
seconde, je connais plein de trucs et en même temps mon inculture me
colle la honte, non mais vraiment, comment peut-on croire me
connaître vraiment en me lisant ? Ca me dépasse. »
Et parfois, ça me gonfle. Alors, pour ne pas que ça tourne au
pilotage automatique, pour ne pas me lasser et surtout pour ne pas
transformer mon lieu d’expression en champ de billet monomaniaque à
tendance blouse blanche, je souffle un peu et je ne parle pas de mes
patients. J’ai, bien sûr, plein de trucs à raconter, plein, mais je
n’ai pas envie de le faire. Et puis, je me suis rendu compte d’un
truc, très con, mais que je n’avais jamais vu avant.
Relire mon boulot ici en rentrant le soir ne me détend pas. Je ne
fais pas la coupure, je ressasse encore un peu plus les patients de
la veille, je pense à ajouter un paragraphe, une ligne, une
expression, une anecdote.
Je suis encore en plein dedans.
Alors que le but est d’en sortir par l’écriture, je crois.
A la rentrée (en septembre, en octobre, je sais pas quand), il y
aura des histoires d’hôpital, comme avant. Bien sûr. Certaines sont
déjà en stock (ne ratez pas le centre d’Appel, ça va être énorme),
d’autres sont là, sous mes doigts, cherchant à fuir mais j’ai tout
noté sur un bout de papier que je planque sous l’imprimante,
histoire de ne pas perdre l’idée.
A la rentrée, il y aura un livre, aussi, mais c’est déjà pour moi du
passé, je suis en train de poser les grandes lignes du deuxième, qui
m’excite vraiment, vraiment. Un vrai livre. Avec une histoire. Et
des gens. Et mon frère.
Mais à la rentrée, et ça, j’aurai pu l’écrire en une ligne, il y
aura toujours des mecs en slibards, des chansons de Régine, des
clips de Madonna, des photos à deux balles et mon putain d’ego
trônant au milieu de tout ça. Parce que je suis autant moi là que
dans ma blouse. Et que ça m’éclate autant de parler des Beatles que
de mes patients. C’est peut-être pas ce que je fais le mieux, parler
des Beatles, mais c’est ce qui me plait. Et c’est pour ça que
j’écris encore. Parce que ça me plait.
Je me justifie, ce matin.
Je le sens.
Mais ça ne me gêne pas. Mon ancien ancien patron, il disait qu’il
fallait « tout expliquer, tout le temps, pour ne pas être en rupture
de sens. Il faut que les gens comprennent le pourquoi de nos actes.
On fait ce qu’on veut quand on sait se justifier. Quand on sait se
justifier, on peut faire des conneries parfois mais, au moins, elles
ne seront pas gratuites. Il n’y a rien de plus déstabilisant qu’un
acte gratuit pour celui qui le regarde ».
Dont acte.
10.08.2006
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